Chapitre 1 du tome2

Gahila
le territoire jaya

 

 

 

 

Troisième hiver 2790

 

De courants ascendants en couloirs descendants, Orion plana vers l’Atok faiblement éclairé par les dernières lueurs de Zaïa. Et lorsque la nuit noire enveloppa cette partie de Gahila, l’ouïe remplaça la vue. Il siffla et l’écho renvoyé par les montagnes lui permit de les situer. Il louvoya ainsi entre les pics avec précision. Avec célérité aussi ; il fallait sortir du piège avant le retour des turbulences.

Sur son dos, l’enfant ne bougeait pas.

 

Il franchit la limite juste à temps. Déjà, le ciel pâlissait d’orangé, le souffle de Zaïa ne tarderait plus.

Il observa d’un œil distrait les grands arbres du territoire miobé, puis la toundra blanchie de celui des Namris, cette plaine infertile sur laquelle s’entremêlaient tant d’épineux qu’on ne voyait pas le sol. Au-delà, l’orée de la forêt ralentissait les vents.

Trouver un abri pour laisser passer les rafales meurtrières… Orion fonça vers les larges troncs puis slaloma entre les ols [1] aux branches dénudées. Il savait où se rendre. Avec Cochise, il avait soigneusement préparé l’itinéraire.

 

Bientôt, les ruines d’une ville namrie engoncée dans la neige apparurent derrière le végétal. Et même s’il filait à toute allure, même si son esprit restait préoccupé par l’urgence, le futur mage des Ailés ressentit les âmes des anciens locataires dans ce silence oppressant.

Poussé par les premières tempêtes, il se dirigea vers un vieil entrepôt à cargos et se posa sur une poutre horizontale. Au plus près du toit.

Le blizzard s’engouffra dans les rues, s’infiltra brutalement entre les ouvertures béantes du long hangar et secoua les tôles. De durs flocons pétillèrent sur le métal. Mugissements et pétarades des éléments déchainés effacèrent le chœur chuchotant de la vie.

 

Protégé par les hauts bords de la traverse, l’Ailé, indifférent à ce cataclysme, extirpa un sac minuscule de la fourrure de son abdomen et y puisa des graines qu’il grignota lentement. Il devait reprendre des forces, car, dès que le temps se calmerait, il poursuivrait son vol malgré la fatigue.

 

Orion aurait aimé s’assurer du bien-être du Promis, mais, incapable de se dégager seul de son fardeau, il ne put que tenter de le stimuler oralement.

Les bourrasques dispersèrent les sons, pourtant le bébé émit deux petits cris qui apaisèrent son cœur.

 



[1] Ols : essence d’arbre